CICE dans le BTP : quel est l'impact de la déduction forfaitaire spécifique

Publié le par Olivier CASTELL

CICE dans le BTP : quel est l'impact de la déduction forfaitaire spécifique

Encore une nouvelle question posée sur le CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi), focalisée sur le BTP.

Les ouvriers (mais pas que ...) du BTP peuvent bénéficier d'un abattement de 10% sur le brut avant cotisations sociales sous certaines conditions.

Cette déduction forfaitaire pose clairement des questions au regard du mécanisme du CICE, questions que n'éclairent que partiellement les instructions fiscales fournies par Bercy en février dernier.

La difficulté réside dans la prise en compte en compte du brut avant ou après abattement au niveau de l'appréciation du seuil des 2,5 Smic puis pour l'application du taux de 4%.

Voilà ce que nous dit l'instruction fiscale :

La rémunération prise en compte dans l'assiette du crédit d'impôt exclut les frais professionnels tels que définis par l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale.

Pour les professions qui appliquent une déduction forfaitaire pour frais professionnels, l'assiette du crédit d'impôt est constituée de la rémunération versée après application de cette déduction.

En cas de cumul entre l'option pour la déduction forfaitaire spécifique et le paiement de sommes versées pour rembourser des frais professionnels dans les conditions fixées par l'arrêté du 20 décembre 2002, ces remboursements, dans la mesure où ils donnent lieu à cotisations sociales, sont réintégrés dans l'assiette du crédit d'impôt.

Le plafond de 2,5 SMIC prévu au I-A est en revanche apprécié par rapport à la rémunération totale.

Exemple :

Un salarié à temps plein est payé 1,8 SMIC, soit 2 574,40 € et son employeur bénéficie d'une déduction forfaitaire spécifique au taux de 10 %. Le salarié obtient également un remboursement de frais professionnels d'un montant de 100 €.

L'assiette du crédit d'impôt est déterminée comme suit:

(2 574,40 € + 100 €) x 90% = 2 406,96 € arrondi à 2 407 €.

Donc, une chose au moins est claire à travers le texte et l'exemple : la déduction forfaitaire doit être prise en compte pour le calcul de l'assiette de rémunération à soumettre au taux de 4%.

Et une chose demeure obscure : quid pour la limite des 2,5 Smic ? L'instruction indique "le plafond de 2,5 Smic prévu au 1-A est en revanche apprécié par rapport à la rémunération totale". Premier enseignement : on ne doit donc pas prendre en compte la déduction forfaitaire. C'est entendu. Reste un point à trancher : doit-on prendre en compte les indemnités de panier, de trajet et de transport dans le brut à comparer aux 2,5 Smic ? On nous parle ici de la "rémunération totale" : quelqu'un connaît-il une définition juridique sûre de cette expression ?

Il ressort de l'analyse que deux interprétations semblent toujours ouvertes par rapport à l'assiette de rémunération à retenir pour la comparaison aux 2,5 Smic :

- soit le brut avant abattement, dont on exclue les sommes correspondantes à des frais professionnels.

- soit le brut avant abattement, comprenant les sommes correspondantes à des frais professionnels.

L'analyse fine de la lettre de l'instruction aboutit à mon sens à ne valider que la seconde hypothèse. Le découpage et l'articulation des 4 alinéas du texte de l'instruction, comme le terme même de rémunération totale, emportent mon adhésion à la thèse d'un brut avant abattement mais avec frais professionnels.

Il est clair que cela s'avère peu favorable pour les employeurs du BTP.

Toutes les publications que j'ai pu lire sur le sujet (ordre des experts-comptables, FFB, ...) restent flous sur cette question, se contentant "courageusement" de répéter mot pour mot le texte de la circulaire, sans donner de définition du terme rémunération totale. Peut-être ont-ils considérer comme limpide les règles du CICE appliquées aux frais professionnels ? Attention en tout cas, vérifier bien vos paramétrages de paie et remettez en cause les arbitrages de vos experts-comptables : j'ai pu vérifier de façon concrète que ni certains éditeurs de logiciels ni certains experts-comptables n'appréhendaient de façon correcte les règles du CICE pour les employeurs du BTP.

A ne pas oublier d'autre part qu'en tant qu'adhérent à une caisse de congés payés, les employeurs du BTP bénéficient d'une majoration de 10% du montant de leur crédit d'impôt compétitivité.

Commenter cet article

C
Monsieur, <br /> <br /> Je suis ravi de voir que je ne suis pas seul à m'interroger sur ce point !<br /> Et il est bien dommage de s'apercevoir que ce point ne soit pas soulevé par les différents experts que vous citez...<br /> Je suis confronté à cette interrogation surtout après la lecture du billet consacré par les Editions Tissot au calcul du CICE dans les BTP. <br /> <br /> Cependant, j'avoue que je n'ai pas la même lecture que vous de l'instruction fiscale : à mon sens, il conviendrait de comparer la rémunération brute soumise à cotisations sociales (salaire + frais - déduction supplémentaire) au plafond du CICE<br /> <br /> Je fais quelque part un parallèle avec le calcul de la Réduction Fillon.<br /> <br /> Enfin, sauf erreur de ma part, les absences pour congés payés lorsque les indemnités de congés sont versées par la Caisse de Congés Payés, ne donnent lieu à aucun retraitement du plafond du CICE ? A savoir, il n'y a pas lieu à mon sens d'appliquer la méthode préconisée par l'instruction pour les salariés mensualisés absents pendant une certaine période sans maintien ou maintien partiel de salaire (SS 120)<br /> <br /> Qu'en pensez-vous ?<br /> <br /> Merci. Bien cordialement. Daniel
Répondre
C
Olivier,<br /> <br /> Merci pour ce retour et ces précisions. Bien cordialement. Daniel
O
Bonjour Daniel, <br /> Le CICE demeure encore une énigme pour beaucoup... encore une réforme bien préparée !<br /> <br /> Pour la question de la détermination du salaire à comparer face aux 2,5 SMIC, je persiste et signe sur ma lecture du BOFIP sur le sujet. La lecture juridique m'impose de rejeter la possibilité d'appliquer la déduction des 10%. Cette lecture a été faite par quelques collègues juristes et je reste en veille face à un positionnement officiel du ministère des finances. Les éditeurs paye et les principaux cabinets d'expertise comptable optent pour la prise en compte du salaire total brut avant abattement.<br /> <br /> Pour la gestion des CP dans le BTP, l'employeur ne doit pas s'en occuper. Pour tenir compte de cette rémunération qui n'est pas versée directement par l'employeur, le CICE calculé en appliquant le taux de 4% à l'assiette fait l'objet d'une majoration de 10% : http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/8431-PGP?datePubl=04/06/2013<br /> <br /> Cordialement<br /> DIDRH