Licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle et préavis doublé des salariés handicapés

Publié le par Olivier CASTELL

Vieux serpent de mer juridique qui remonte à la surface de temps en temps, la question m'est encore une fois arrivée aux oreilles.

Un salarié travailleur handicapé licencié pour inaptitude d'origine professionnelle peut-il bénéficier du doublement de son indemnité compensatrice de préavis ?

La réponse est aujourd'hui grandement facilitée par une décision de la Cour de cassation (chambre sociale 10 mars 2009) : non, le principe du doublement du préavis ne s'applique pas en matière de licenciement pour inaptitude.

La solution réside par une lecture très stricte des dispositions du Code du travail et de ses renvois successifs. La chambre sociale considère que l'article L5213-9 ne vise que l'article L1234-1. Or, pour le préavis lié à l'inaptitude professionnelle, l'article L1226-14 ne vise que l'article L1234-5. Et voilà l'explication... c'est court, je suis d'accord, mais c'est la réponse donnée à ce problème juridique.

Si on raisonne sur les objectifs poursuivis par la règle du doublement, la position des juges semble plus difficile à tenir : pourquoi le doublement (qui se justifie par la plus grande difficulté des travailleurs handicapés à se réinsérer après un licenciement, voire par l'idée que le préavis rallongé sera un frein à la volonté d'un employeur de supprimer le poste d'un travailleur handicapé) trouverait à s'appliquer dans certains cas de licenciements et pas pour d'autres ? Le travailleur handicapé est-il moins défavorisé pour retrouver un travail par rapport à un salarié valide lorsqu'il est licencié pour inaptitude au lieu d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse ? A priori, non.

Un revirement futur de jurisprudence n'est donc à mon sens pas à exclure. L'interprétation littérale du Code du travail est tout sauf claire comme de l'eau de roche et l'esprit des textes penche à mon sens pour un élargissement du doublement du préavis.

Toujours est-il qu'aujourd'hui, vous pouvez sereinement calculer l'indemnité compensatrice équivalente au préavis, sans prendre en compte les règles du doublement pour les travailleurs handicapés.

Article L5213-9 Code du travail

En cas de licenciement, la durée du préavis déterminée en application de l'article L. 1234-1 est doublée pour les bénéficiaires du chapitre II, sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis.

Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les conventions ou accords collectifs de travail ou, à défaut, les usages prévoient un préavis d'une durée au moins égale à trois mois.

Article L1234-1 Code du travail

Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

Article L1226-12 Code du travail

Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.

Article L1226-14 Code du travail

La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.

Les dispositions du présent article ne se cumulent pas avec les avantages de même nature prévus par des dispositions conventionnelles ou contractuelles en vigueur au 7 janvier 1981 et destinés à compenser le préjudice résultant de la perte de l'emploi consécutive à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle.

Article L1234-5 Code du travail

Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2.

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